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Gorze, novembre 2014
Chers Amis,
Le temps de l’Avent a commencé pour les chrétiens orthodoxes (le 12 novembre dans le rite occidental et le 14 novembre dans le rite oriental) et ne va pas tarder à commencer chez les chrétiens catholiques et protestants (le 30 novembre cette année). Six semaines soit une quarantaine de jours chez les uns, quatre semaines chez les autres mais une même symbolique qui se réfère au quatre des quarante jours de jeûne de Jésus dans le désert ou des quarante ans des Hébreux dans le désert. L’avent est à l’imitation du Grand Carême un Carême de Noël.
Le mot « avent » qui s’écrivait jadis advent, vient du latin adventus qui signifie l’arrivée, l’avènement. C’est donc le temps qui prépare l’avènement du Messie. Cet avènement est en fait triadique car il se conjugue sous trois formes. La plus évidente est celle de l’avènement du Verbe de Dieu qui s’incarne le jour de Noël à Bethléem. Avènement historique et extraordinaire puisque c’est Dieu Lui-même qui s’incarne pour que l’homme devienne dieu. Le second avènement, dont les textes de la liturgie vont nous parler amplement, est celui du Christ à la fin des temps lors de Son retour glorieux. Le troisième avènement est la naissance de Jésus dans le cœur des hommes de tous les temps.
Les trois avènements sont intimement liés. En effet, rien n’était possible si, comme le dit le premier testament, les cieux ne s’étaient pas déchirés pour permettre au Nouvel Adam de recréer le monde, en ouvrant une voie nouvelle à l’humanité égarée. Mais cet avènement historique sans précédent n’a de sens que s’il bouleverse ma vie au plus intime de moi-même dans mon cœur. S’il reste à l’extérieur, s’il ne change pas ma vie du tout au tout, le Messie ne fait plus qu’une visite touristique en ce monde. Par contre si sa visite à l’extérieur m’annonce une visite à l’intérieur de ma vie alors je suis sauvé de mon égarement. Je vais retrouver le sens de ma vie.
Qu’elle est notre attente aujourd’hui ? Attendons-nous le oint de Dieu, le Messie ou l’homme providentiel qui nous sortira de la crise financière, économique, politique et militaire ? Attendons-nous le Tout autre, celui que nous ne savons concevoir ? Sommes-nous prêts à être complètement surpris, désarçonnés, décontenancés ? N’attendons-nous pas finalement un sauveur suivant des critères très humains, très intéressés, très formatés par notre culture, par nos aspirations trop terrestres ?
Veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure, nous dit l’Ecriture, car Il viendra comme un voleur. Oui comme un voleur ! C’est-à-dire comme quelqu’un qu’on ne reconnaîtra pas, caché à nos yeux. Il faut bien avouer finalement qu’on ne l’attend pas tellement, que nous sommes tellement obnubilés par nos soucis matériels ou existentiels, et que Lui est tellement au-delà de nos attentes, de nos désirs, qu’Il a une si haute idée de nous que ça ne nous vient pas à l’idée une seconde d’attendre un tel messie.
Nous sommes tous un peu grossiers, un peu lourds et le Messie, lui, est subtil et spirituel. C’est un Messie tout intériorisé qui vient dans la subtilité de l’instant présent, de l’ici et maintenant, dans ce croisement entre notre vie existentielle et notre profondeur. Et c’est là qu’il faut L’attendre, c’est là qu’il faut Le guetter, c’est là qu’Il était, c’est là qu’Il est, c’est là qu’Il vient.
Oui, tout cela se conjugue, Il est venu il y a plus de deux mille ans dans l‘histoire des hommes, et Il y est resté car Il est chaque jour, chaque instant dans mon histoire, comme un voleur tant que je ne sais pas le reconnaître et enfin Il vient comme Celui qui épouse ma vie, mon histoire, mon devenir, ma transformation, ma transmutation, comme Celui qui est devenu homme pour que l’homme devienne dieu, pour que « je » devienne dieu.
Alors, veillons dans nos cœurs, soyons attentifs comme dit le diacre à la liturgie, mais soyons-le constamment, sans relâche, sans a-priori d‘aucune sorte, soyons dans l’instant présent et nulle part ailleurs car c’est là qu’Il viendra et nous sauvera.
Je vous dis toute mon amitié en Christ, à bientôt !
Père Pascal
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Prière
Déploie ta puissance, Seigneur, et viens : nous sommes menacés par les périls de ce monde : protège-nous, sauve-nous, redresse notre tête, dans la certitude de ton proche avènement, car Tu es notre espérance et notre libérateur, toi qui vis et règnes avec le Père et le Saint-Esprit, un seul Dieu aux siècles des siècles. Amen
« Collecte » du troisième dimanche de l’Avent
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Texte à méditer
Le chemin du Seigneur qu'il nous est demandé de préparer, mes frères, c'est en y marchant qu'on le prépare, et c'est en le préparant qu'on y marche. Même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste cependant toujours à le préparer, pour que, du point où vous êtes parvenus, vous alliez toujours de l'avant, tendus vers ce qui est au-delà. Voilà comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur, à qui vous préparez son chemin, vient au-devant de vous, toujours nouveau, en quelque sorte, et plus grand qu'il n'était.
C'est donc avec raison que le juste faisait cette prière : « Seigneur, place-moi sur le chemin de tes volontés, et je le poursuivrai sans cesse » (Ps 119.33). Peut-être l'a-t-on appelé « chemin d'éternité » (Ps 139.24) parce que, si la Providence a prévu le chemin de chacun et a fixé un terme à son progrès, il n'y a cependant pas de terme à la Bonté vers laquelle on progresse. C'est pourquoi, le voyageur sage et empressé, lorsqu'il sera arrivé au terme, ne fera que commencer, car, oubliant ce qui est en arrière, il se dira chaque jour : « Maintenant, je commence ».
Nous qui parlons de progrès dans ce chemin, plût à Dieu que nous ayons seulement commencé ! Car, à mon avis, ce n'est pas un léger progrès que d'avoir commencé. Encore faut-il avoir vraiment commencé et avoir trouvé le chemin de la cité où nous demeurerons ! Au dire de la Vérité, il y en a peu qui le trouvent ! Par contre, qu'ils sont nombreux, ceux qui errent dans les solitudes. Il s'agit là assurément de tous les solitaires, c'est-à-dire de tous les orgueilleux, qui s'imaginent être les seuls !
Aucun d'entre eux ne peut encore dire : « Maintenant, je commence ».
Guerric d’Igny, abbé cistercien, 1080-1157
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